vendredi 30 janvier 2015

Certaines n'avaient jamais vu la mer - Julie Otsuka

Un petit roman où le “nous” remplace le “je” pour raconter l’histoire de ces milliers de femmes japonaises qui ont tout abandonné, emplies d’espoir, pour rejoindre les Etats-Unis au début du XXème siècle et y épouser un homme qu’elles n’ont pas choisi et dont elles ne connaissaient que le nom et le visage figurant sur une vieille photo, autrement dit : un parfait inconnu.
Certaines d'entre nous n'avaient mangé toute leur vie durant que du gruau de riz et leurs jambes étaient arquées, certaines n'avaient que quatorze ans et c'étaient encore des petites filles. Certaines venaient de la ville et portaient d'élégants vêtements. (…) Certaines descendaient des montagnes et n'avaient jamais vu la mer.
Ce « nous » est un cœur qui représente leurs voix, leurs histoires, et chaque chapitre décrit une étape de leurs vies : la traversée en bateau, la rencontre, la première nuit souvent brutale, la désillusion, le travail harassant, les enfants, le rejet et l’humiliation, le début de la guerre, la peur, le silence, et enfin l’oubli…


C’est un livre magnifique, à l’écriture à la fois poétique, forte et émouvante, qui m’a fait découvrir une partie de l’histoire de l’immigration japonaise que je ne connaissais pas.
Nous voilà en Amérique, nous dirions-nous, il n'y a pas à s'inquiéter. Et nous aurions tort.
Le style narratif est parfaitement maîtrisé et pertinent. Julie Otsuka utilise le « nous » pour donner voix à ces femmes qui n’existent plus en tant qu’individu. Elle additionne, juxtapose les histoires sans jamais s’attacher à un personnage en particulier afin de renforcer la seule identité qui les caractérise désormais : celle d’un groupe, d'une masse de femmes exilées.
Sois humble. Polie. Montre-toi toujours prête à faire plaisir. Réponds par "Oui, monsieur" ou "Non, monsieur" et vaque à tout ce qu'on te demande. Mieux encore, ne dis rien du tout. A présent tu appartiens à la catégorie des invisibles.

1 commentaire:

  1. Je le lirais bien celui-là ! Rappelle le moi si jamais un jour je te dis que je n'ai plus rien à lire...

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